Chut ! (covid, an 2)
COVID (an 2)
Après Jérôme Bosch, voilà Francisco de Goya qui pointe son nez dans l'atelier !
Acryliques sur bâche de papier (100x170)2021- 2022 (inspirées de Caprices, Désastres et Disparates)
Voilà, peu à peu l'atelier se transforme en une sorte de cénotaphe, j'accroche au mur les larges lés de papier en l'honneur des morts. Goya étêté, Malraux embolisé, l'encre et la plume entremêlées dans un même destin, la disparition et l'ensevelissement. Parfois il arrive qu'on trouve, sur le bord de la route, un sac empli de passé. "Je déteste me souvenir, en général. Et ça ne m'arrive pas : ma vie n'est pas dans le passé, elle est devant moi" écrit Malraux dans la condition humaine. Le même qui convoque Laclos, Goya et Saint-Just au chevet de l'insaisissable pour comprendre la destinée de l'homme en son monde. "C'est l'interrogation sans réponse sur le sens de la vie, ou sans autre réponse que la création, du roman, des tableaux, de la république." Les sorcières de Goya, vaporeuses, ne sont là que pour envoûter la raison, déplacer les points d'équilibre, révéler l'irrationnel qui sommeille en chacun. Naître autant de fois que nécessaire, mourir chaque fois qu'il nous faut nous réveiller. Voilà ce que contient le sac ramassé en chemin, l'anéantissement et la renaissance, l'improbable rencontre entre le désir et l'empêchement, mais qui peut croire à un caprice du hasard, quand les philtres des sorcières exhalent la toile et se dispersent en bouquets enchanteurs ? J'observe les dernières nées, ces peintures goyesques qui m'examinent à leur tour, les voilà toutes rassemblées et nous cohabitons désormais dans cette toquade, ce caprice nouveau qui ne cesse de m'apostropher :
C'est toi qui les a créées ? Non, c'est lui, le génie de Fuendetodos !
(extrait de "CHUT !", P.Bechet, ed. L'atelier perché)